Cela fait maintenant 15 jours que la moitié sud de la France est soumise à un contexte orageuse. Certains secteurs sont touchés quotidiennement. Cette situation est-elle exceptionnelle ?

Succession d'orages dans un contexte de blocage

La séquence orageuse sur le sud de la France a débuté le lundi 22 mai dernier. Cela fait donc 15 jours que des orages se déclenchent de manière quotidienne sur la moitié sud de l'hexagone, avec une activité fluctuante d'un jour à l'autre. Il faut dire que nous sommes en pleine situation de blocage avec un anticyclone faisant du sur-place du nord de l'Atlantique à la Mer Baltique, laissant un vaste marais barométrique (pressions ni hautes ni basses) vers le bassin méditerranéen. À cette saison, les marais barométriques sont propices à des évolutions diurnes se traduisant avec des débuts de journée calmes suivis par des après-midi orageux. Pour ne rien arranger, une dépression circule vers les Açores et va entretenir l'instabilité d'ici la fin de cette semaine.

Situation à échelle continentale entre la fin mai et le début juin 2023 – Météo Villes

Dès lors, la dernière décade du mois de mai 2023 avait été électrique sur la moitié sud de la France avec de nombreux après-midi orageux. Cette tendance s'est poursuivie durant les six premières journées du mois de juin 2023 avec déjà près de 50.000 éclairs enregistrés sur le territoire français ! La carte ci-dessous est frappante, montrant une France coupée en deux. Si le sud subit une météo orageuse, le nord est sous l'influence du blocage anticyclonique et bénéficie de conditions durablement sèches.

Éclairs enregistrés sur la France entre le jeudi 1er et le mardi 6 juin 2023 - carte meteo60.fr

En situation de marais barométrique, le flux est faible. Dès lors, le plus gros risque sous les orages réside dans leur caractère peu mobile et donc dans le risque de précipitations diluviennes. Depuis la fin du mois de mai 2023, plusieurs régions de la moitié sud de l'hexagone ont subi des orages diluviens responsables d'importants ruissellements et d'inondations. Par endroits, il peut tomber 50 à 100 mm de pluie en l'espace d'une à deux heures ! C'est ce qu'il s'est produit sur Lyon en fin de journée du samedi 3 juin 2023 avec des cumuls de 50 à 80 mm en 1h30 sur le sud de la ville, conduisant à de nombreuses inondations urbaines.

L'A450 inondée après un orage diluvien au sud de Lyon (69) le samedi 3 juin 2023 - via Sapeurs Pompiers Pierre Bénite

Une situation pas si exceptionnelle

Comme nous l'avons évoqué plus haut, cette séquence orageuse durable s'explique par un blocage anticyclonique actuellement en place de l'Atlantique à la Mer Baltique. Sur la période allant du 15 mai au 4 juin 2023, l'anomalie de la pression atmosphérique atteint jusqu'à +15 hPa à l'ouest des Îles Britanniques, des niveaux remarquables ! Cet anticyclone inamovible laisse la part belle à un marais barométrique en Méditerranée, favorisant de nombreux orages sur toutes les régions bordant la mer, du Portugal jusqu'en Turquie en passant par le sud de notre pays.

Anomalie de la pression atmosphérique en Europe du 15 mai au 4 juin 2023 - carte NOAA

Avec les températures plus élevées induites par le réchauffement climatique, l'atmosphère peut contenir plus d'énergie et d'humidité, ingrédient indispensable aux orages. Cependant, attribuer cette séquence orageuse durable dans le sud de la France au réchauffement climatique s'apparente à un mauvais raccourci. En effet, il n'y a actuellement aucune anomalie chaude prononcée sur les régions méditerranéennes et la raison de cette instabilité orageuse persistante réside bien davantage dans le blocage anticyclonique britannique. En revanche, on peut se demander si le changement climatique n'augmente pas la fréquence de ces situations de blocage, ce qui semble être le cas depuis 2015. Lire notre article à ce sujet >>>

Anomalie de géopotentiels en Europe d'octobre à avril 2022 - via climatereanalyzer.org

Enfin, il est important de rappeler que les mois de mai et de juin sont traditionnellement des mois orageux. Lors d'un mois de juin classique, il y a généralement entre 10 et 15 jours avec présence d'orages dans les départements du sud et de l'est de la France (plus nombreux vers les reliefs). Rencontrer des orages à cette saison n'a donc rien d'anormal, même si une séquence de 15 jours orageux n'en demeure pas moins notable. Par ailleurs, soulignons qu'il existe une forte variabilité d'activité orageuse entre les années.

Nombre moyen de jours d'orage aux mois de mai et juin - cartes keraunos.org

Une configuration très semblable en 2018

La situation actuelle, si elle est notable, n'est donc pas exceptionnelle et encore moins inédite. Il suffit de remonter 5 ans en arrière pour retrouver une configuration très semblable sur l'Europe. Durant la troisième décade de mai 2018 et la première décade de juin 2018, un vaste blocage anticyclonique s'était mis en place sur le nord-est du continent européen, laissant s'installer un marais barométrique dans sa partie sud. Par ailleurs, une goutte froide transitait vers la péninsule ibérique et le golfe de Gascogne, venant accentuer l'instabilité en France. Comme ce blocage fut un peu plus nordique que celui observé cette année, les orages avaient concerné toute la France entre la fin mai et le début juin 2018.

Anomalie de la pression atmosphérique en Europe du 15 mai au 4 juin 2023 - carte NOAA

Il suffit de regarder les cartes quotidiennes des impacts de foudre sur la France entre le 20 mai et le 11 juin 2018 pour se rendre compte de l'ampleur de l'instabilité orageuse qui avait frappé l'hexagone. Durant trois semaines, de forts orages avaient été observés quotidiennement sur le pays ! Si les régions concernées n'étaient pas les mêmes en fonction des jours, aucune région n'avait été épargnée durant cette séquence. Le foudroiement fut exceptionnel durant ces trois semaines. D'ailleurs, l'année 2018 fut exceptionnellement orageuse en France.

Éclairs quotidiens sur la France entre le 20 mai et le 11 juin 2018 - via lightningmaps.org

Comme cette année, les orages qui avaient marqué la fin mai et le début juin 2018 avait souvent présenté un caractère peu mobile, générant des précipitations diluviennes responsables d'inondations qui avaient été observées aux quatre coins du pays, comme à Morlaix en Bretagne le 3 juin 2018. Certains cours d'eau avaient même connu des crues en raison des orages répétés. Des chutes de grêle avaient aussi rythmées ces trois semaines d'orages.

Inondation à Morlaix (29) après un orage diluvien le 3 juin 2018 - via Chronique Météo Villes