Canicule de 1911 : et pourtant pas de réchauffement climatique ?
Au siècle dernier, l'une des canicules les plus marquantes en France était survenue au mois d'août 1911 ! Il y a 114 ans, la France vivant des températures remarquablement élevées, avant que le réchauffement climatique ne devienne un sujet.
Août 1911 : une canicule majeure !
Il y a 114 ans, la France vivait une canicule d'ampleur remarquable. Le mois d'août 1911 fut, dans son ensemble, largement dominé par les hautes pressions avec des températures anormalement élevées sur la France. La masse d'air provenait alors directement d'Afrique, comme le montre la carte de réanalyse ci-dessous. Dans le climat du début du siècle précédent, les masses d'air étaient moins chaudes qu'elles ne le sont aujourd'hui mais on atteignait tout de même les 20°C à 850 hPa (vers 1500m) vers les Pyrénées, un chiffre remarquable pour l'époque mais à mettre en comparaison des 27°C à 850 hPa enregistrés lors de cette canicule d'août 2025.
Réanalyse de la situation météorologique en Europe le 9 août 1911 - wetterzentrale.de
À Paris, le mois d'août 1911 connaît 13 jours à plus de 30°C, un chiffre exceptionnel ! Le plus gros de la canicule se produit du 8 au 14 août 1911 avec des températures maximales comprises entre 34,5°C et 37,7°C durant une semaine entière, du jamais vu dans l'histoire moderne ! Plus impressionnant encore, la moyenne des températures sur les 31 après-midi du mois atteint 29,7°C, une moyenne qui n'a été dépassée qu'en août 2003 (29,9°C) ! En revanche, la moyenne des minimales est de 16,1°C, très loin derrière les 18,8°C d'août 2003. Par ailleurs, il faut apporter une précision importante : les instruments de 1911 n'étaient pas aussi précis qu'aujourd'hui et les stations étaient davantage exposées à la surchauffe. Il n'est pas impossible que les valeurs d'août 1911 soient légèrement surestimées.
Températures enregistrées à Paris-Montsouris (75) au mois d'août 1911 - infoclimat.fr
Après un mois de juillet 1911 déjà très chaud, ce mois d'août 1911 caniculaire a des conséquences catastrophiques dans une grande partie de la France et la presse en fait ses gros titres durant plusieurs semaines. Le bilan de la surmortalité de l'été 1911 atteint 41.000 décès dans toute la France ! Les victimes sont principalement des personnes âgées mais la mortalité infantile augmente aussi de 20%. En plus des températures élevées, la pluie se fait très rare et les agriculteurs accusent des pertes majeures. Plusieurs cours d'eau du pays se retrouvent partiellement à sec.
Coupures de presse lors de la canicule d'août 1911 - Chronique Météo Villes
Canicules avant le réchauffement ? Bien plus rares et moins fortes !
Cette canicule de 1911 démontrerait qu'il n'y a pas de réchauffement climatique ? Que nenni ! Ce serait faire abstraction de l'augmentation colossale de la fréquence des vagues de chaleur en France. Sur la période allant de 1947 à 2024, on a dénombré un total de 50 vagues de chaleur en France, dont seulement 17 avant 2000 contre 33 après 2000 ! Le graphique temporel ci-dessous est particulièrement frappant : la fréquence des vagues de chaleur a explosé depuis le début du siècle et encore plus depuis les années 2010. L'augmentation considérable de leur fréquence est une preuve irréfutable du réchauffement.
Vagues de chaleur observées en France de 1947 à 2024 - Météo France
Outre l'augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, il faut aussi noter l'augmentation notable de leur intensité. La canicule remarquable d'août 1911 avait donné jusqu'à 37,7°C à Paris, une valeur qui a été dépassée à 17 reprises depuis l'an 2000 à Paris et qui est très éloignée des 42,6°C mesurés lors de la canicule de juillet 2019 ! Autre fait qui ne trompe pas, l'immense majorité des villes de France possèdent un record absolu de chaleur datant de 2003, 2019, 2022, 2023 ou 2025. Les records très anciens ont presque tous été effacés. Ceux de Poitiers (40,8°C en 1947) et Besançon (40,3°C en 1921) figurent parmi les derniers survivants...
Année durant laquelle a été enregistré le record absolu de chaleur par station - Météo Villes
Le rôle clé de l'urbanisation sur la canicule
Outre le réchauffement climatique, il faut aussi insister sur l'effet de l'urbanisation. En 1911, la France n'était peuplée que de 39 millions d'habitants, près de 30 millions de moins qu'en 2025 ! La différence est encore plus nette en Île-de-France, dont la population est passée de 5 millions à 12,5 millions entre 1911 et 2025, soit +130% ! En d'autres termes, la périphérie parisienne anciennement campagnarde est devenue une banlieue extrêmement urbanisée. La carte ci-dessous montre la différence d'urbanisation entre 1949 et 2021. Les couleurs orange & rouge montrent les zones fortement urbanisées. On constate une augmentation majeure de celle-ci, et il faut s'imaginer que l'urbanisation était encore bien moindre en 1911 par rapport à la carte de 1949.
L'urbanisation de l'Île-de-France en 1949 et 2021 (zones fortement urbanisées en orange & rouge) - Institut Paris Région
Comme nous venons de le voir, les températures diurnes étaient très chaudes à Paris en 1911 mais les valeurs nocturnes étaient finalement bien moins élevées que ce que nous pouvons observer durant les canicules modernes. Il n'y avait eu qu'une seule nuit au dessus de la barre des 20°C en août 1911. Si le réchauffement climatique n'y est pas étranger, l'urbanisation joue également un rôle majeur. Avec une banlieue désormais très urbanisée, Paris voit son îlot de chaleur urbain exacerbé, surtout la nuit où les bâtiments dégagent la chaleur accumulée le jour. Ainsi, les nuits tropicales (> 20°C) sont beaucoup plus nombreuses de nos jours qu'il y a un siècle. De nos jours, Paris est la ville la plus touchée du pays avec une hausse moyenne de +6,5°C des températures nocturnes par rapport à la banlieue !
Villes les plus touchées par l'îlot de chaleur urbain en France - Météo France