L'augmentation des températures sur Terre a-t-elle des conséquences négatives sur la fiabilité des prévisions météo ? Quid du progrès technologique ?

Le fonctionnement de la prévision météo

Avant de pouvoir faire une prévision météo, il faut d'abord récolter un maximum d'observations du temps à la surface du globe. Celles-ci sont recueillies par les nombreuses stations implantées sur terre, par les bouées météo en mer, par les avions qui survolent les quatre coins du globe mais aussi par les images satellite et les images radar, donnant tout un tas d'informations en temps réel sur les températures, la pression, la vitesse du vent, la couverture nuageuse ou encore les précipitations. Une fois ces données collectées, elles sont centralisées et injectées dans les modèles de prévision - des sortes d'immenses ordinateurs (appelés super-calculateurs) qui vont simuler l'atmosphère des heures et jours à venir.

Schéma des différentes étapes de la prévision météo - Météo France

Plusieurs fois par jour, les modèles sont réactualisés et proposent leurs scénarios pour les jours à venir. C'est à ce moment que le prévisionniste entre en jeu. En effet, il existe plusieurs modèles de prévisions proposant différents scénarios. Le prévisionniste devra ainsi déterminer quel scénario suivre afin de réaliser puis diffuser ses prévisions sous forme de cartes, tableaux ou bulletins textuels. Les connaissances et l'expérience du prévisionniste sont capitales et l'aident à déterminer le scénario à privilégier. C'est pourquoi une prévision automatique (que l'on rencontre sur 95% des sites et des app) sera toujours plus soumise à erreur qu'une prévision retouchée et affinée humainement.

Schéma du rôle du prévisionniste dans la réalisation d'un bulletin météo - Météo France

Plus de chaleur = plus d'incertitudes ?

Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Stanford a montré que l'augmentation de la température moyenne n'était pas sans conséquences pour la fiabilité des prévisions météo. Plus une masse d'air est chaude et plus elle peut contenir de vapeur d'eau et donc d'instabilité potentielle. Une atmosphère qui se réchauffe autorisera donc davantage de phénomènes intenses dont la prévisibilité est délicate. Par ailleurs, le réchauffement d'origine anthropique peut perturber la circulation générale, compliquant la tâche des modèles de prévisions. L'étude conclut en indiquant que l’échéance à laquelle les prévisions sont fiables diminue de quelques heures par degré de réchauffement.

Changement de la température moyenne dans le monde sur les 50 dernières années - via NASA

Avec une atmosphère plus chaude, les phénomènes extrêmes qui étaient jugés très improbables par le passé entrent dans le domaine du possible, voire du concret. Une nouvelle donne que les modèles météo ont beaucoup de mal à simuler correctement, sous-estimant parfois les quantités d'eau sous les orages diluviens ou l'intensification rapide des tempêtes. D'ailleurs, l'étude de l'Université de Stanford met l'accent sur l'augmentation de la fréquente des tempêtes dites "explosives" (dont l'intensification est très rapide) comme Ciaran en novembre dernier. Ces dépressions très dynamiques sont difficiles à anticiper à plusieurs jours d'échéance et ont forcément des conséquences sur la fiabilité des prévisions à plusieurs jours.

Image satellite de la tempête Ciaran le jeudi 2 novembre 2023 à 03h - via Météo France

Les progrès des modèles compensent

S'arrêter au fait que le réchauffement climatique dégrade la fiabilité des prévisions météo serait occulter une donnée capitale : le progrès technologique. Au cours des dernières décennies, la puissance des super-calculateurs derrière les modèles de prévision météo a été décuplée. Le nombre de données entrées dans les modèles et leur puissance de calcul sont nettement plus importantes que par le passé, permettant d'améliorer année après année la fiabilité des modèles. Comme le montre le graphique ci-dessous, la fiabilité augmente au fil du temps (malgré de petites fluctuations). Autant dire que le progrès technologique compense largement les effets du réchauffement climatique.

Évolution de la fiabilité des prévisions météo à 3, 5, 7 et 10 jours entre 1981 et 2018 - via Our World in Data

Rappelons toutefois que certains événements peuvent affecter cette progression des modèles de prévisions. Ce fut particulièrement le cas en 2020 lors de la pandémie de coronavirus. L'aviation commerciale représente à elle seule 700.000 données météo recueillies quotidiennement à travers le monde via le système ADMAR. Les 80% des avions cloués au sol pendant la pandémie avaient représenté une perte de données très importante à injecter dans les modèles météo, résultant d'une baisse temporaire de leur fiabilité.

Comparaison du trafic aérien mondial en 2019 et en 2020 - via Le Parisien

Une exigence toujours plus grande

Enfin, il faut également préciser que nos exigences vis à vis des prévisions météo ont considérablement évolué au fil des années. De nos jours, nous sommes nombreux à vouloir connaître le temps à 10 jours d'échéance. Par ailleurs, de nombreux sites (et applications) proposent des prévisions heure par heure. Non seulement ces prévisions entièrement automatisées ne bénéficient d'aucune expertise humaine mais elles se heurtent souvent aux limites de la prévision en apportant un surplus d'informations dont la fiabilité laisse parfois à désirer.

Comparaison entre la météo de l'iPhone (application par défaut avec prévisions automatiques via le modèle américain) et celle de l'application expertisée Météo Annecy (Météo Villes)

Gardez en tête que les prévisions de l'immense majorité des sites et applications ne sont nullement vérifiées humainement et que les erreurs qui s'y glissent ne peuvent donc pas être corrigées, chose que nous faisons sur Météo Villes. De plus, nos prévisionnistes veillent sur la situation tout au long de la journée et modifient la prévision dès que nécessaire afin que vous ne soyez pas pris au dépourvu. Là encore, un ordinateur ne peut pas s'en charger...